Loeffler
Mélodies
CHARLES MARTIN LOEFFLER
François Le Roux – baryton
Carol Robinson – clarinet
Philippe Coutelen – violin
Joël Sultanian – viola
Jeff Cohen – piano
14 tracks 69:06
GPP 009 (2002)
GILLES PERNY PRODUCTIONS
Reviews
Silviane Facinelli
Piano, le magazine
Juillet-août 2003
Rémy Stricker
Opéra International
J.-J.G
Opera mag, n°2
Juillet/Août 2003
Franck Mallet
Le monde de la musique
avril 2003
Michel Gribensky
Classica, n°53
Juin 2003
Juillet/Août 2003
Silviane Facinelli
Piano le magazine, n° 35
Juillet – Août 2003
Européen cosmopolite formé entre Berlin et Paris, Loeffler n’est plus guère prisé que par les Américains, lui qui fut premier violon au Boston Symphony Orchestra dès la création de l’illustre phalange, qui diffusa la musique française aux Etats-Unis et finit par adopter la nationalité de ce pays. On ne s’étonnera guère de repérer quelques éminents « Américains de Paris » dans l’équipe de ce disque.
Et pourtant, que de séductions à redécouvrir, comme l’attestent ces mélodies accompagnées à l’alto et au clavier, datant pour l’essentiel des dernières années du XIXe siècle. Un ondoiement harmonique suggère le climat mais n’enferme pas les vers dans un cadre codifié, d’autant que le piano, libéré de sa fonction d’accompagnateur complet, crée le fond d’atmosphère comme un peintre, tandis que l’altiste, personnage mélancolique au premier plan, concurrence le chanteur et assume souvent le postlude.
De cette harmonie picturale voilée de mystère et non conventionnelle, Rêverie en sourdine et Le son du cor s’afflige… d’après Verlaine, ou La Cloche fêlée d’après Baudelaire offrent des exemples prenants. Jeff Cohen et Joël Soultanian sont les soutiens sensibles d’un François Le Roux dont l’intelligence du texte fait, comme toujours, merveille.
En fin de programme, les Trois Rhapsodies pour baryton-basse, alto, clarinette et piano ne sont pas sans évoquer, par la mobilité de leur texture, un ami de Loeffler nommé Gabriel Fauré ; on y retrouve avec bonheur le son profond de la clarinettiste-compositrice-improvisatrice américaine Carol Robinson, en contrepoint de la diction d’acteur-chanteur si caractéristique de François Le Roux.
J.-J. G.
Opéra mag, n°2
Juillet – août 2003
Charles Martin Lœffler n’est pas un compositeur gâté par le disque. Sa musique, sans être révolutionnaire, est pourtant riche et inventive, (d’une texture sonore souvent inédite comme le prouveraient à elles seules les formations requises (présence des rares clarinette, alto ou violon), qui montrent le souci du compositeur pour susciter les couleurs nouvelles.
Cela fit dire a son égard qu’il était plus attaché aux effets impressionnistes qu’au travail sur la forme elle-même. Mais n’est-ce pas justement l’un des acquis essentiels de cette période, qui a fait comprendre que le dessin et la couleur n’étaient pas deux entités distinctes, et que la couleur pouvait à elle seule se faire forme et contours ? Les mélodies réunies ici montrent un Lœffler très imprégné de symbolisme. Les atmosphères vont de l’impressionniste au franchement délétère, mais toujours dans un bon goût tout classique, sans excès ni pesanteurs.
[…] Une (re)découverte qui devrait captiver tous les amateurs de mélodie.
Sweet potato, born from Carol Robinson’s clarinets and basset horn, transforms the basic material in something unrecognizably near to a harmonium-cum-string section, with the usual ever-so-subtly shifting, long droning sea; Phill advises to lower the volume just a little during listening, in order to fully reproduce the track’s character.
Michel Gribenski
Classica, n° 53
Juin 2003
L’intérêt de ces mélodies de Loeffler provient d’abord des textes poétiques mis en musique par ce compositeur américain d’origine allemande: huit poèmes de Verlaine, deux de Baudelaire (plus un de Kahn et trois de Rollinat, deux symbolistes mineurs), parfaitement intelligibles grâce à l’impeccable diction de François Le Roux, et dont plusieurs ont également été mélodisés par Debussy ou par Fauré, entre autres.
Si les présentes mélodies ne sauraient, sans pâlir, sans blêmir, souffrir la comparaison avec les chefs-d’œuvre de ces maîtres, leur relative banalité d’inspiration est miraculeusement sauvée par l’instrumentation, c’est-à-dire par l’utilisation de l’alto (ou parfois du violon et de la clarinette), qui en fait, plus que des mélodies au sens traditionnel du terme, de véritables œuvres de musique de chambre, des trios pour piano, voix et alto, aux accents parfois schumanniens ou brahmsiens. L’influence fauréenne se fait, elle aussi, parfois entendre, mais non là où l’on l’attendrait.
L’interprétation, engagée et inspirée, est également pour beaucoup dans la réussite un peu inattendue de ces mélodies, dont c’est la meilleure version disponible.
Rémy Stricker, Opéra International
[…]
Les mélodies qu’on entend ici cherchent sans doute à s’évader d’un cadre jugé trop étroit, ne serait-ce que par le recours à un ou deux instruments obligés (alto, violon, clarinette) et le temps de développement (parfois jusqu’à huit ou neuf minutes). Abondance de biens sûrement. Nuit ou pas, difficile d’en décider. Parfois le jeu de timbres justifie couleurs et durée. Parfois l’enchevêtrement des plans mélodiques semble surcharger un poème qui deviendrait presque explétif. L’oscillation demeure entre le goût prononcé pour Verlaine et l’attrait pour le décadent Rollinat. Le son du cor du premier touche au plus près d’un équilibre encore debussyste. Les trois Rhapsodies avec clarinette et alto du second regardent vers un éclatement plus straussien ou bergien. De ces dernières, on apprend sans surprise (mais on aimerait l’entendre) que la Villanelle du Diable est devenue ensuite un poème symphonique.
François Le Roux (insatiable et intelligent découvreur, on le sait) et ses amis servent le méconnu aussi grandement qu’un maître et sont fidèles à son éclectisme. Doit-on imaginer moins d’extériorisation parfois ? L’unité de style se ferait-elle mieux ? Ou bien est-ce un mauvais réflexe fondé sur du connu et sont-ils dans le vrai d’un musicien hors normes ? On peut trouver qu’un poème ainsi dilaté devient plus guide de sens qu’il ne se fond dans les sons. On peut s’étonner et aimer ces excroissances inventives. Autant En sourdine de Verlaine paraît torturé après la fausse simplicité extatique de Fauré, autant les Rhapsodies de Rollinat transfigurent un poète jugé aujourd’hui à l’aune de son recueil Les Névroses[…]
Disque étrange et intriguant qui donne envie de connaître mieux le compositeur de poèmes symphoniques et de musique de chambre, en partante la recherche de disques américains plus difficiles à trouver.
Franck Mallet
Le Monde de la Musique, n ° 275
Avril 2003
Charles Martin Lœffler a vécu aux Etats-Unis, d’abord comme violoniste au sein de l’Orchestre symphonique de Boston, puis comme compositeur. Mais il était né près de Berlin, avait suivi sa famille en France, en Hongrie et en Ukraine. Interprète de musique française (Saint-Saëns, Godard, Lalo), il s’était lié d’amitié avec Charles Griffes, Gershwin et Fauré.
Sa passion pour la France, où il séjourna fréquemment (à sa mort, il légua tous ses biens au Conservatoire de Paris et à l’Académie française), le situe entre Fauré et Debussy : sur les quatorze mélodies qui figurent sur ce disque, dix ont été composées sur des poèmes de Verlaine et Baudelaire.
Le souci de suivre au plus près les contours du poème le rapproche de l’intimité mélodique de Debussy, plus particulièrement dans Le Rossignol (Verlaine), Le Son du cor (Verlaine) et La Cloche fêlée (Baudelaire) qui, avec sa durée généreuse (neuf minutes) et son double accompagnement (alto et piano), transfigure les règles du genre. Elégante et fantasque, la Sérénade, d’après Verlaine, accentue un style contrasté.
Ces mélodies sont de véritables petits poèmes aux couleurs multiples, au développement toujours inattendu. Voilà une authentique découverte discographique dont peut s’enorgueillir le label Gilles Perny, d’autant que le baryton François Le Roux, l’alto Joël Soultanian et le pianiste Jeff Cohen, auxquels se joignent la clarinette de Carol Robinson et le violon de Philippe Coutelen, font preuve d’un goût parfait.